COMMENT APPLIQUER LA SURCHARGE PROGRESSIVE À L’ENTRAÎNEMENT AU POIDS DU CORPS ?

On entend souvent que l’entraînement au poids du corps est limité, qu’il ne convient qu’aux débutants, et que si l’on veut devenir vraiment musclé et fort il faut aller en salle ou acheter du matériel hors de prix.

Ces opinions se basent sur le fait que l’entraînement au poids du corps n’offre qu’une seule charge fixe (ou plus ou moins fixe) : le poids de notre corps. À partir d’un certain niveau de force, cette charge ne serait plus suffisante pour continuer d’appliquer une surcharge progressive, qui est l’essence même de la progression en musculation.

Cela est terriblement faux ! Il est possible d’appliquer une surcharge progressive continue voire infinie même au poids du corps.

Dans cet article nous allons donc parler de surcharge progressive appliquée à l’entraînement au poids du corps.

L’augmentation du volume d’entraînement

La première façon d’appliquer la surcharge progressive est d’augmenter le volume d’entraînement. C’est généralement la solution la plus utilisée au poids du corps, surtout par les pratiquants inexpérimentés qui l’utilisent à tort et à travers.

Concrètement, le volume d’entraînement c’est le nombre de répétitions total que tu vas réaliser. Donc le nombre de séries multiplié par le nombre de répétitions. À cela on peut ajouter la fréquence d’entraînement, qui est un paramètre également très lié.

Prenons un exemple simple. Admettons que tu réalises 3 séries de 10 pompes un jour sur 2. Pour continuer de progresser au fil des jours, tu peux :

  • Augmenter ton nombre de répétitions de jour en jour. 10, puis 11, puis 12, etc.
  • Augmenter ton nombre de séries par entraînement. 3, puis 4, puis 5, etc.
  • Augmenter ta fréquence d’entraînement. 1 jour sur 2, puis 2 jours sur 3, etc.

Bref, c’est très simple. Mais malheureusement, c’est une très mauvaise façon d’appliquer la surcharge progressive. Ou du moins, elle montre très vite ses limites.

Les limites de l’augmentation du volume

Augmenter le volume d’entraînement indéfiniment n’est pas une bonne option dans une optique de prise de muscle et de force.

Un trop grand nombre de répétitions fera progresser davantage en endurance musculaire et en cardio qu’autre chose. Le muscle progresse de sorte à s’adapter au stress qu’il subit. Avoir des muscles gros et puissants n’est pas avantageux pour des efforts de longue durée, alors aucun intérêt pour le corps de faire progresser les muscles dans ce sens ! Sans compter que faire des séries à rallonge, c’est d’un ennui !

Ensuite, augmenter le nombre de séries montre ses limites de manière assez évidente : des séances qui n’en finisse pas, une plus grosse fatigue, une perte de force et de concentration sur la fin de la séance… Bref, la marge de manœuvre sur ce paramètre est assez limitée.

Idem pour la fréquence d’entraînement, que l’on ne peut pas augmenter indéfiniment, sous peine de se surentraîner et d’user prématurément ses structures.

Si tu veux progresser sur le long terme, tu ne dois pas miser sur l’augmentation du volume d’entraînement. Ces paramètres sont à prendre en compte et pourront servir de compléments dans ta surcharge progressive, mais tu devras jouer dessus avec parcimonie.

Temps de repos et tempos d’exécution

Un autre moyen d’intensifier les entraînements que l’on voit souvent au poids du corps est l’utilisation de circuits training, ou la diminution des temps de repos.

À moins que tu veuilles augmenter ton cardio, ton endurance musculaire ou créer une dépense calorique dans le but de perdre du poids, cela est totalement inutile.

Et que l’on ne me dise pas « oui mais en diminuant les temps de repos, je sens bien mes muscles brûler » ou des choses dans le genre. Sensation n’est pas synonyme de progression.

Diminuer les temps de repos est juste de la difficulté « artificielle ». Les muscles soulèveront les mêmes charges, mais l’effort sera plus difficile simplement parce que les muscles auront moins de temps pour récupérer, s’oxygéner, etc.

Pire encore, le cardio et l’accumulation d’acide lactique limiteront tes performances et tu généreras un stress musculaire moins important que si tu prenais des temps de repos suffisants.

Donc la diminution des temps de repos : à proscrire sauf dans les cas cités plus hauts.

Et il en va de même pour la diminution de la vitesse d’exécution. Faire ses mouvements très lentement permet de diminuer le nombre de répétitions, certes. Mais au final, le temps sous tension total est quasiment le même qu’avec une vitesse d’exécution classique. Cela créé simplement une illusion de surcharge progressive car on fait moins de répétitions, mais l’effet est le même.

Donc encore une fois, ce n’est pas la solution pour appliquer la surcharge progressive au poids du corps.

L’augmentation de l’intensité, ou la meilleure façon de progresser sur le long terme

On en arrive aux choses sérieuses. Parlons maintenant du dernier paramètre sur lequel on peut jouer pour appliquer la surcharge progressive : l’intensité. Pour faire simple, c’est augmenter la difficulté des exercices de séance en séance.

Jouer sur ce paramètre revient à augmenter sa force. Et augmenter sa force est le meilleur moyen de prendre du muscle (et de la force, évidemment), et cela est d’autant plus vrai lorsqu’on est un athlète naturel.

Mais la question est « comment augmenter l’intensité au poids du corps, sachant qu’on est limité par notre propre poids ? ». Si tu te poses cette question, je suis désolé mais tu es probablement matrixé par la musculation classique. En effet, en salle il suffit d’ajouter du poids sur la barre ou la machine pour augmenter l’intensité.

Au poids du corps, c’est différent. Il va falloir jouer avec notre corps et les lois de la physique pour augmenter l’intensité au fil des séances. Dit comme ça, ça paraît complexe. Mais tu verras que c’est très simple et il ne faut pas avoir inventé l’eau chaude pour comprendre comment faire.

Sans plus tarder, je vais donc te présenter 7 méthodes pour progresser efficacement au poids du corps.

L’utilisation de l’unilatéral

Le moyen le plus simple d’augmenter l’intensité des exercices au poids du corps est de travailler en unilatéral, donc à un bras.

Reprenons l’exemple des pompes. Si le mouvement à deux bras est trop simple pour toi, il le sera beaucoup moins à un seul.

Tu devras générer environ 2 fois plus de force avec un seul côté que si tu travaillais à deux bras, ce qui augmente déjà considérablement ta marge de progression. Je précise environ, car le mouvement est légèrement différent et à cela s’ajoute le déficit bilatéral qui fait que l’on peut générer plus de force lorsque chaque côté travaille isolément. 

Le travail en unilatéral, je l’aborde dans tous mes articles de présentation d’exercices. C’est l’une de mes méthodes d’intensification préférées. Et sur certains exercices, comme les tractions, elle offre une marge de progression énorme. Très rares sont les personnes qui peuvent enchaîner des séries de tractions à un bras.

Pour couronner le tout, le travail en unilatéral permet de rattraper des asymétries, car le côté plus fort ne pourra pas faire de l’ombre au côté le plus faible. On peut adapter sa progression au côté le plus faible.

Le bémol, car il en faut un : travailler en unilatéral demande deux fois plus de séries et donc de temps.

Le travail en explosif

Le travail en explosif ou en pliométrique est un autre moyen d’augmenter l’intensité des exercices. Faire un squat explosif, accompagné d’un saut vertical est bien plus demandant en force qu’un squat classique.

Lors d’un travail en explosif, le corps doit fournir plus d’énergie pour générer une vitesse plus importante dans la phase concentrique. Donc pour une masse fixée, on peut augmenter la difficulté de l’exercice en jouant sur la vitesse. Le travail en explosif agit sur l’énergie cinétique.

Cette méthode d’intensification se prête à beaucoup d’exercices : pompes, tractions, squats, dips, pike push ups, etc.

Sur des exercices d’isolation, des exercices plus stressants pour les articulations ou plus techniques, on évitera cependant de faire du travail en explosif. Cela peut engendrer une dégradation de la forme, un manque de contrôle et un risque de blessures plus élevé.

Les phénomènes de levier

Encore un autre principe de la physique que l’on peut appliquer au calisthenics : le phénomène de levier ou de moment de force.

Le but n’est pas de faire un cours de physique alors je vais faire simple. Imaginons que tu doives tenir un objet long relativement lourd : un gros bout de bois, une barre, etc. À ton avis est-il plus simple de le tenir par son centre ou par une extrémité ? Par son centre évidemment !

Tenir un objet par son extrémité est bien plus difficile, et d’autant plus qu’il est long. Cet exemple illustre le principe de levier ou de moment de force : plus le bras de levier est grand, donc plus une force est éloignée de son axe de rotation et plus elle aura d’impact, elle sera démultipliée.

Ce principe est très utile pour soulever des choses très lourdes en utilisant moins de force. Mais en musculation au poids du corps, il est utilisé pour faire l’inverse : compliquer des mouvements.

Le front lever est un bon exemple de l’utilisation de levier pour intensifier l’entraînement. Le bras de levier, qui correspond à la distance entre l’épaule (l’axe de rotation) et les pieds est grand et engendre donc un moment de force important.

Front lever réalisé par Osvaldo Lugones
Front lever

Pour un individu très grand, très lourd et avec des cuisses et mollets très musclés, faire un front lever demandera une force colossale.

La difficulté des exercices utilisant des phénomènes de levier est cependant ajustable, en réduisant le bras de levier. Par exemple en pliant ou en écartant plus ou moins les jambes.

Le phénomène peut être utilisé pour beaucoup de mouvements : front lever, pseudo planche push ups, planche, nordic curl, natural leg extension, etc.

J’ai présenté le front lever pour illustrer le principe, mais dans une optique de prise de muscle, il vaut mieux privilégier les mouvements dynamiques aux mouvements statiques. Par exemple avec les front lever raises ou front lever pull ups.

Le travail monoarticulaire ou isolation

Si le front lever est aussi difficile, ce n’est pas uniquement parce qu’il utilise les phénomènes de levier. La difficulté vient aussi du fait que le mouvement est « monoarticulaire ». Le gros du travail est réalisé par l’extension d’épaule seule.

Certes, cette dernière utilise des muscles puissants comme le grand dorsal ou la longue portion du triceps, mais les muscles sollicités sont peu nombreux en comparaison à d’autres exercices.

Les tractions par exemple sollicitent l’épaule en extension mais aussi le bras en flexion. Les muscles fléchisseurs du bras comme le biceps ou le brachio-radial viennent donc en support pour générer encore plus de force.

Le travail en monoarticulaire est moins intéressant dans une optique de prise de muscle car il demande de réaliser plus d’exercices pour travailler autant de muscles qu’avec des mouvements polyarticulaires.

Mais lorsque l’on manque de matériel et que l’on atteint de bons niveaux de force, l’isolation devient une des clés pour continuer de progresser.

En travaillant des muscles ou des articulations isolément, il sera possible d’augmenter l’intensité toujours en utilisant le poids de notre corps.

Prenons l’exemple des pompes, qui travaillent principalement :

  • Les pectoraux en adduction de bras
  • L’avant de l’épaule en flexion d’épaule
  • Les triceps en extension de bras

En décomposant le mouvement en mouvements d’isolation, on peut trouver des exercices bien plus difficiles, car chaque articulation devra travailler indépendamment. Voici un exemple de décomposition possible :

  • Travail des pectoraux en adduction du bras avec des ring flies
  • Travail de l’avant de l’épaule en flexion d’épaule avec le back lever dynamique
  • Travail des triceps en extension de bras avec les impossible dips

Les forces de frottements

C’est reparti pour un peu de physique ! Au moins tu ne pourras pas dire que la physique ne sert à rien. C’est grâce à elle que tu pourras te bâtir un corps solide sans dépenser un sou 😉.

Les forces de frottement, ça parle plus ou moins à tout le monde. Si l’on frotte deux surfaces entre-elles, une force de frottement va venir offrir une résistance et « freiner » le mouvement. C’est grâce à ce principe que les voitures peuvent freiner.

Plus les surfaces sont rugueuses et plus les forces de frottement seront élevées.

Et on peut bien évidemment appliquer cela à l’entraînement au poids du corps, en réalisant des exercices en se frottant contre un mur, comme la natural leg press. Bon tu ressembleras à un ours qui se gratte le dos contre un arbre, mais tu pourras ainsi progresser de manière incroyablement efficace.

Les forces de frottements permettent aussi de réaliser des exercices de tirage sans aucun matériel, comme des tractions ventre contre le sol, des mouvements d’extension d’épaule, etc.

Cette méthode ne requiert aucun matériel et permet d’augmenter progressivement la difficulté jusqu’à des niveaux même surhumains. Sur des surfaces très rugueuses, la résistance peut être très, très importante. Tu penseras quand même à mettre une serviette ou un tissu entre toi et le mur/sol s’il est très rugueux. Ça t’évitera d’y laisser ta peau, au sens propre…. Quoiqu’au moins, tu aurais une meilleure définition musculaire !

La difficulté peut aussi être ajustée en collant une surface plus ou moins importante de notre corps contre le mur ou le sol.

Bien que cette méthode soit incroyablement ajustable et efficace, elle a deux inconvénients majeurs :

  • La difficulté est impossible à quantifier car trop variable d’une répétition à une autre
  • La phase excentrique (ou négative) n’est pas intensifiée

À cause de ces inconvénients, cela en fait une méthode à mon sens moins efficace que l’unilatéral ou l’utilisation de leviers, mais elle reste très bonne tout de même.

Les pauses

Les répétitions « pausées » sont un autre moyen d’intensifier un exercice. Le principe est simple : marquer une très légère pause en bas du mouvement pour empêcher l’élasticité musculaire de faciliter la phase concentrique (la montée).

Les pauses sont très utilisées comme méthode d’intensification au développé couché. On retrouve aussi cette méthode lors des compétitions de set & reps en street workout, où les athlètes doivent marquer des pauses pour valider leurs répétitions.

Cette méthode est bien plus anecdotique que les précédentes car elle augmente que très peu la difficulté, mais elle est facile à mettre en place et fonctionne pour tous les exercices. Alors elle vaut la peine d’être mentionnée.

L’étirement et la contraction

Le dernier principe que je vais te présenter est en lien avec l’étirement et la contraction des muscles. Lorsqu’un muscle est trop étiré ou contracté, il ne peut pas exprimer toute sa force.

Cela explique par exemple pourquoi le V-sit est bien plus dur que le L-sit, bien que le moment de force soit moins important du fait de la position plus verticale. En effet, les fléchisseurs de la hanche sont très contractés dans cette position et peuvent donc générer beaucoup moins de force.

Cela explique aussi que la victorian soit bien plus difficile que le front lever. Et que l’on soulève moins lourd au curl incliné qu’au curl debout, etc. 

Victorian aux barres parallèles
Victorian aux barres parallèles

En comprenant cela, on peut volontairement réaliser des mouvements dans lesquels nos muscles sont trop étirés ou trop contractés, afin de réduire notre force et donc d’avoir une meilleure marge de progression.

Attention tout de même à ne pas abuser des forts étirements, qui augmentent les risques de déchirures musculaires.

Voilà, ça fait pas mal de méthodes pour augmenter l’intensité de tes entraînements et continuer à prendre du muscle et de la force. Ces méthodes peuvent en plus être combinées. Pour reprendre l’exemple de la victorian, elle combine à la fois : phénomène de levier, isolation et forte contraction. C’est pourquoi elle est si dure. Et si un jour tu trouves ça trop facile (ça m’étonnerait quand même), tu pourras toujours faire des répétitions en dynamique ou en archer…

Méthode bonus : l’ajout de charge

Un autre moyen simple d’appliquer la surcharge progressive à ses entraînements au poids du corps est d’investir dans du matériel de lest ou des élastiques.

Ce n’est pas nécessaire, mais cela t’offrira une progression simplifiée et plus quantifiable, et acheter quelques poids te reviendra beaucoup moins cher que de payer un abonnement en salle.

Conclusion

Pour progresser en force et en masse musculaire, il faut passer par une surcharge progressive pour forcer le corps à s’adapter constamment.

Cette surcharge progressive peut passer par une augmentation du volume d’entraînement, de la fréquence, une diminution des temps de repos, etc. Mais le moyen le plus efficace et durable de progresser est de jouer sur l’intensité.

En salle, il suffit d’augmenter le poids sur la barre ou la machine. Au poids du corps, c’est différent mais tout autant faisable.

Dans cet article, nous avons vu 7 méthodes pour intensifier ses exercices :

  • Le travail en unilatéral
  • Le travail en explosif
  • L’utilisation de leviers
  • L’isolation ou le travail monoarticulaire
  • L’utilisation des forces de frottement
  • Les répétitions pausées
  • L’augmentation de l’étirement ou de la contraction

Ces méthodes peuvent être combinées entre elles pour pouvoir ajuster au mieux sa surcharge progressive et avoir des marges de progression infinies.

L’ajout de lest peut aussi être très utile pour une surcharge progressive plus simple et mieux quantifiée.

Voilà, j’espère que tu auras appris des choses dans cet article ! Maintenant, tu pourras clouer le bec des personnes qui disent que l’entraînement au poids du corps convient seulement aux débutants et qu’il ne permet pas d’appliquer de surcharge progressive.

Allez, à la prochaine pour un nouvel article !

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